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11- Villa Traful

By 7 février 2023février 25th, 2023Ama'ventura

Je me suis réveillé assez tôt ce matin, après une nuit fraîche et agréable. Je sors sans bruit de la Ama et je marche une centaine de mètres pour accéder à la plage de galets. L’eau est d’une limpidité incroyable et reflète les montagnes comme un parfait miroir. Elle est fraîche, mais le calme du petit matin m’invite à la baignade. Un groupe d’oiseaux que je nommerai « petites oies de Patagonie » semblent également profiter du paysage, les pattes dans l’eau, pas le moins gênées par ma présence. Le lac s’étire d’Est en Ouest, et au bout de la plage, une crête rocheuse vient y plonger ses falaises. La Nature aurait voulu peindre un plus beau tableau qu’elle n’aurait pas fait mieux.

Je me pose et je respire.

Quand je remonte à la Ama, Maria est posée sur la tête, en pleine séance de Yoga. Le camping est assez fréquenté en cette période de vacances scolaires, mais les emplacements sont très grands, et nous n’avons pas de vis-à-vis à moins de 20m. Depuis notre terrasse improvisée, nous profitons d’une vue plongeante sur le lac Traful.

Le vieux local au chapeau de cuir avait raison !

Nous retournons tous les 4 au bord de l’eau, pour partager courtes baignades et lancés de galets. Une grande flaque abrite des centaines de têtards. C’est l’attraction majeure des enfants sur la plage. Alba et Leno font ainsi la connaissance de Ulysses et Luca, et nous par la même occasion, de leurs parents : Eli, Eduardo, Joaquin et Flor. La journée passe ainsi tranquillement, rythmée par les discussions et les tournées de maté. Juste ce dont nous avions besoin.

Enfin, oui, se poser c’est bien, mais j’ai aussi envie d’aller me défouler dans la montagne.

Et justement, le petit sommet au-dessus du camping me fait de l’œil depuis notre arrivée. La vue depuis là-haut doit être grandiose ! Je demande au propriétaire du camping, qui boit son maté devant la réception, s’il existe un sentier pour y monter. Il me répond : « Non, ça ne se grimpe pas… ». Et l’un de ses employés d’ajouter : « Si tu y montes, plantes-y un drapeau ! ». Je m’éloigne tout en les entendant rire gentiment sur mon compte…

Bon, il en faut plus pour me démotiver, alors le lendemain matin au réveil, je chausse mes running et je pars en reconnaissance… Depuis la route, je trouve d’abord quelques sentiers de vaches qui finissent tous en cul-de-sac dans la forêt. Mais à force de chercher, je tombe par hasard sur une piste 4×4 que je remonte en direction de mon objectif, jusqu’à ce qu’elle s’en éloigne. Je reprends alors mes errances sur les traces d’animaux qui me permettent d’avancer de plus en plus. Je me trouve régulièrement face à des croisements, où je choisis mon chemin au ressenti. Le risque est alors de me planter à la descente et de tourner en rond dans la forêt… Et ici, pas question de compter sur le portable, car il n’y a aucun réseau… Alors tel le Petit Poucet 2.0, je pose des flèches en bois au sol, en espérant qu’elles soient toujours là à mon retour.

Je finis par arriver sur un plateau où la végétation est plus basse, et la vue se dégage. Je constate alors que l’accès à la montagne, par le côté opposé à la crête du lac, est certes plus court, mais pas très évident. Cela semble bien raide en tout cas. Je dérange quelques vaches qui semblent surprises de me voir. Elles ne doivent pas souvent croiser du monde par ici ! Je décide d’arrêter là mon exploration du jour et rebrousse chemin à grandes enjambées, faisant détaler quelques beaux lièvres.

Les jours passent et nous prenons goût à ce paysage calme et inspirant. Nos nouveaux amis argentins nous prêtent même leur kayak pour aller pagayer sur le lac. C’est une première pour Alba et Leno qui apprécient beaucoup ce tour de manège ! Ils jouent toute la journée avec leurs amis, et ce jusqu’à la nuit noire. C’est aussi leur couleur de peau en fin de journée, car la terre de Patagonie, fine et sombre, imprègne leurs cheveux, se glisse sous leurs ongles et leur dessine des peintures tribales sur le visage ! Douche systématique avant d’enfiler le pyjama 😊.

Mais ce qui est le plus incroyable, c’est le déclic d’Alba pour parler Espagnol. Jusque là elle jetais quelques mots par-ci par-là, mais désormais, elle n’a aucun souci à échanger avec ses nouveaux amis et leurs parents. Leno, lui, encore un peu timide, profite de l’application gratuite “Alba Translate” qui visiblement, lui convient…

La Ama est au repos depuis notre arrivée, et nous aussi. Alors nous décidons de jeter un œil sous le châssis pour tenter d’identifier le bruit qui m’a inquiété lors du dernier déplacement. Mes connaissances en mécanique automobile sont très limitées, et j’ai beau inspecter tout ce qui est visible, je ne vois rien qui attire mon attention. A part la fixation d’un des 2 réservoirs d’eau qui s’est cassée et que nous réparons avec Leno par un bon coup de fil de fer, rien ne semble expliquer le fameux bruit. Je réalise également que le transformateur 12/220V est HS. Mais comme nous avons accès à l’électricité dans le camping, pas de problème pour le moment.

C’est aussi l’occasion de revenir sur l’épisode des autocollants de la Ama. En effet, depuis Villa La Angostura, je ressasse cette histoire en cherchant une solution pour cacher ma bêtise, car j’ai peur que les zones avec la peinture arrachée ne prennent la rouille…. Et c’est en discutant avec Maria que nous trouvons une idée qui nous convient : Avant de quitter la France, j’avais fait imprimer à sa demande quelques motifs autocollants colorés pour habiller la petite salle de bain. Nous décidons alors de les aligner sur l’avant de la capucine, et le rendu est plutôt sympa ! Nous avions vraiment besoin de nous poser dans ce petit coin de paradis pour faire tomber la pression…

Cela fait maintenant presque une semaine que nous sommes arrivés, et je ne suis toujours pas monté sur la montagne qui surplombe le camping. Je décide alors de mettre le réveil et décoller à 6h. Je tenterai de grimper par la crête depuis le lac, car cela me semble plus faisable que de l’autre côté. J’ai jumelé et même envoyé le drone pour repérer : A quelques incertitudes prêt, cela semble passer. Je verrai bien !

Le soleil n’est pas encore levé, mais les lumières sur le lac et les montagnes au loin sont magiques. Je croise un renard brun qui me jette un regard avant de disparaitre dans les buissons. Après avoir pris quelques clichés depuis le haut des falaises qui plongent dans le lac, je commence mon ascension. Le terrain est tout de suite assez raide et glissant, du coup je préfère grimper le long des rochers, quitte à mettre un peu les mains.

J’enchaine par portions plus plates à travers des zones boisées, où je  n’ai d’autre choix que de me faufiler sur les sentes d’animaux qui zigzaguent à travers des arbustes aux épines acérées. Puis, la végétation s’éclaircie, mais la pente augmente sérieusement et j’ai désormais le choix entre du sable noir ou des éboulis qui s’effacent sous chacun de mes pas. Ma seule option pour avancer est de sauter d’un petit buisson à un autre, car leurs racines stabilisent le sol. Je suis tellement concentré sur mes pas que je n’ai pas encore pu me poser pour découvrir la vue derrière moi. J’y jette un rapide coup d’œil, mais cela demande un certain effort pour garder l’équilibre, alors je préfère pousser jusqu’au sommet.

Je finis les 100 derniers mètres à 4 pattes dans les éboulis. Ce n’est pas classe, mais ça marche ! Et quand je peux enfin poser le pied sur la terre ferme, je me retourne et je découvre le lac Traful dans son intégralité, surplombé par des montagnes qui semblent peu parcourues par les hommes. Sous mes pieds, je vois le camping entre des éperons rocheux. Je distingue même la Ama, posée sur l’herbe dans sa robe jaune. De l’autre côté vers le sud, une grosse montagne, plus haute et imposante : le Cerro Negro, qui se grimpe depuis Villa Traful avec un pass du Parc National. Là-bas, il doit y avoir de vrais sentiers et des panneaux… mais c’est moins drôle ! 😊

Je profite une bonne heure au sommet, à observer, filmer, photographier, puis je décide de me lancer dans la descente. J’avoue que je ne suis pas enchanté par l’idée de rentrer par le même chemin, car le premier tiers risque fort de se faire sur les fesses… Je jette alors un œil de l’autre côté, celui-là même que j’ai repéré d’en bas et qui m’avait paru plus court mais plus raide. Et là, à 300m de l’autre côté d’un vallon, deux beaux chevaux me regardent, la crinière au vent. Je me dis que s’ils sont montés, alors je peux descendre !

C’est décidé, je vais tenter ma chance et je commence ainsi ma descente en suivant leurs crottins entre les buissons. Quelques centaines de mètres plus bas, je reconnais un ruisseau que j’ai traversé en courant, et depuis lequel je pourrai rattraper la piste 4×4 qui rentre au camping.

J’attrape fermement les bretelles de mon sac à dos, et j’accélère le pas en m’amusant de quelques dérapages dans les éboulis. Et oui, il y en a aussi de ce côté, mais ils sont plus accueillants !

Grisé par ma course, j’en oublie de suivre les crottins… Et je me retrouve vite hors des sentiers empruntés par les chevaux. Il me vient alors l’idée de rejoindre le ruisseau qui descend dans un petit canyon. Il est quasiment à sec, et tout se déroule plutôt bien jusqu’à ce que celui-ci se resserre, et je me retrouve au sommet d’une cascade. Un petit saut de 5-6m… Mouais, pas trop le choix, je dois rebrousser chemin et tenter de contourner. Je tente de m’extirper des pentes sableuses du canyon en m’accrochant aux racines disponibles. Ça passe. Puis je retrouve des traces d’animaux, certainement plus petits que des chevaux. Après quelques glissades et une partie en désescalade sur de la roche un peu pourrie, je retrouve la piste 4×4 et trempe avec grand plaisir mes pieds noirs dans l’eau fraiche du ruisseau. Quelle balade ! J’en ai encore pris plein les yeux et plein les pattes.

Je retrouve la famille au bord du lac avec les amis argentin. Eduardo me regarde bizarrement quand je lui dis que je suis monté là-haut…. Il me prend peut-être pour un fou, mais il m’invite tout de même à déguster un bon asado de Cordero Patagonico (Agneau). Le feu crépite alors que le soleil s’efface derrière les montagnes, laissant un moment ses lueurs dans le ciel, avant qu’apparaissent les étoiles de l’hémisphère Sud. Un verre de Malbec à la main, je profite de ce moment partagé avec nos nouveaux amis, et je repense à cette belle semaine que nous venons de passer. Merci la vie !