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5- Santa Cruceta…

By 13 février 2023février 25th, 2023Ama'ventura

Après nos aventures de la nuit, le soleil est déjà haut quand j’ouvre un premier œil. A 10m de nous, la route est toujours aussi chargée. En plus des camions, il y a tous les gens en voiture qui se déplacent vers leur famille pour partager ce soir la veillée de Noël. C’est d’ailleurs la première fois que je passe les fêtes dans l’hémisphère Sud, en short et T-shirt. Rien de très perturbant, sinon que les magasins se parent de sapins et autres bonhommes de neige colorés, et que quelques pauvres bougres sont déguisés en Père Noël pour amuser les enfant, par 40°C…

Je monte sur le toit du camping-car pour tenter de voir un peu plus loin que les buissons qui nous entourent. Mais à par un semblant de collines qui se dessinent au loin, c’est toujours aussi plat, et immensément vaste. C’est une expérience, mais j’attends les montagnes des Andes avec impatience ! D’autant qu’il fait déjà bien chaud.

Nous reprenons la route jusqu’à ce que l’environnement tourne soudainement plus au vert, aux arbres, et aux habitations. Nous quittons enfin les grandes plaines de la Pampa pour descendre vers le village de 25 de Mayo, sur les rives du Rio Colorado.

Nous nous y arrêtons au bord de l’eau, pensant y passer la nuit. Mais l’endroit ne nous emballe pas. Alors nous décidons de charger en gasoil, et poursuivre plus au Sud vers Neuquen. C’est ça la liberté d’avoir sa maison sur le dos !

En terme de consommation, nous arrivons à un bon 17 l/100 km en montée ou vent de face, qui tombe à 14 l sur le plat et vent arrière. Ça fait beaucoup, mais nous étions prévenus que la vieille Ama est lourde et que son moteur, très puissant, n’est pas de la dernière génération comme toute la mécanique qui l’entoure…. Et c’est à priori un avantage, car selon l’abuelo Ruben, s’il nous arrive quoique ce soit, nous devrions trouver n’importe où quelqu’un qui puisse aider à réparer. La mécanique est basique et beaucoup de paysans argentins ont des véhicules similaires. Mais on va croiser les doigts pour ne pas en avoir besoin.

Le ciel s’embrase à nouveau lorsque nous traversons la digue du Rio Negro, qui fait frontière entre la région de la Pampa et celle de Neuquen. D’immenses arbres profitent de l’eau présente en abondance et de nombreux oiseaux y ont élu domicile. Nous cherchons tranquillement un endroit sympa pour stationner la Ama et passer la nuit de Noël au bord de l’eau.

Il nous faut un endroit suffisamment large pour ne pas gêner le passage, et de préférence plat pour pouvoir utiliser la cuisine, ou tout simplement dormir confortablement. Mais la presqu’ile ne semble pas offrir ce type d’option, alors nous décidons de retraverser la digue pour aller vers un grand parking ombragé que nous avons repéré au bord d’un canal.

C’est une digue qui date de 1912, interdite aux poids lourds, et dont la traversée se fait en alternance avec un feu rouge, car trop étroite pour que les véhicules se croisent. Au vert, nous nous lançons derrière les autres véhicules, et profitons à nouveau de la vue plongeant et dégagée sur le fleuve. Mais tout à coup, en plein milieu de la digue, un gros bruit nous sort violemment de la contemplation. Puis quelque chose semble se détacher et frotter le goudron. Aucune possibilité de m’arrêter, et je ne veux surtout pas prendre le risque de rester bloquer là. Alors je profite de l’élan pour finir au ralenti la traversée. Au moment où nous sortons de la digue, la pièce cassée se détache et tombe sur la route. Je n’ai pas la possibilité de voir ce que c’est, car ma priorité est de nous garer sur le bas-côté quelques mètres plus loin.

Je bondis hors de la Ama et découvre l’axe de transmission arrière, un gros cylindre de plus d’un mètre, tombé sur l’asphalte, qui a roulé pour se ranger proprement sur le bord, sans perturber le trafic. La bonne nouvelle est que nous n’avons pas créé d’accident. La mauvaise est que c’est le cardan arrière qui a cassé, juste avant le différentiel. Donc nous sommes désormais sans transmission…

Une fois l’adrénaline retombée, c’est le moral qui chute à son tour : 24 décembre, 21h, notre soirée de Noël s’annonce spéciale… Mais demain étant un jour férié, nous ne pouvons espérer trouver de l’aide avant le 26, au mieux. Et s’imaginer rester 2 jours collés à une route très passante avec les enfants, la projection n’est pas très heureuse. Je me dis alors que si nous pouvons utiliser la légère pente pour lancer le camping-car en roue libre, nous pourrions peut-être atteindre le parking ombragé qui nous tend les bras, 200m plus loin. Mais c’est quitte ou double, car si nous restons bloqués au milieu de la route, nous aurons tout gagné…. Je propose l’idée à Maria qui ne semble pas emballée. Mais au bout de 10 minutes à me faire bouffer par les moustiques, je ne tiens plus et je tente de lancer le mouvement. Je mets le point mort et pousse de toutes mes forces à côté de la porte conducteur… mais rien ne bouge. OK, mauvaise idée.

Réunion de crise familiale : quelles sont nos autres options ? Le fait est que Maria a déjà vécu cette même panne, il y a 1 mois, le jour où elle est allée chercher le camping-car… La pièce incriminée s’appelle « la cruceta » Elle est au cœur du cardan et encaisse toute la puissance du moteur avant de passer la motricité à l’essieux arrière. Bien que ce ne soit pas son rôle principal, elle agit comme un fusible. Maria plonge alors sous le châssis, frontale vissée sur la tête, et m’annonce que la cruceta est encore là. De plus, elle semble être encore à peu prêt en état. Du coup, elle me propose d’essayer de la remettre en place, avec l’axe de transmission, pour tenter de rejoindre le parking en attendant mieux…

Après une bonne heure de manipulations, de la graisse jusqu’au cou, les jambes bouffées par les moustiques, nous tentons de démarrer. Heureusement, à cette heure où les gens fêtent Noël, il n’y a quasiment plus personne sur la route.

J’enclenche alors la seconde pour limiter la pression sur la cruceta, et débraye avec la seule puissance du ralenti. La Ama se met alors tout doucement en mouvement, et au pas d’un âne bâté, nous arrivons sous les arbres, à quelques pas du canal, dans un endroit calme où nous pourrons rester le temps nécessaire.

OUF ! Merci Maria. Merci la Ama. Et Joyeux Noël ! Demain sera un autre jour…